Le web coopératif finance-t-il les activités immorales ?
- Bertrand Larsy
- 12 avr. 2024
- 4 min de lecture
C'est l'opposition populaire, surtout à Bitcoin, et par amalgame à tous les jetons numériques, alors que très peu sont concernés.

En règle générale, je ne trouve pas que Bitcoin est le projet le plus intéressant du web coopératif. Il est génial, en ce sens qu'il a réussi là où tant ont mordu la poussière: il fait la courte échelle à tout un écosystème monétaire pour passer au-dessus de la barrière de l'économie de croissance.
C'est déjà énorme, mais il n'a pas un grand intérêt dans la régénération du vivant.
Les défauts supposés de Bitcoin ont souvent été amalgamés au web coopératif en entier. Pour faire comprendre comment le web coopératif permet la régénération du vivant, il faut donc comprendre Bitcoin.
Bitcoin serait anonyme, et pourrait donc servir à transférer des fonds pour blanchir de l'argent, acheter des produits illégaux sur le darknet, voire financer le terrorisme. Toutes ces choses reposent sur l'hypothèse que Bitcoin est anonyme.
Bitcoin et l'anonymat
En fait, Bitcoin n'est pas anonyme, il est pseudonyme.
Dans un réseau anonyme, on ne peut pas déduire qui est qui d'une transaction à l'autre, on ne peut donc pas reconstituer l'historique d'un acteur.
Dans un réseau pseudonyme - comme Bitcoin et la grande majorité des autres jetons numériques -, on ne sait pas qui est derrière quel portefeuille, mais la clé publique du portefeuille est visible dans chaque transaction. Ca veut dire qu'on peut reconstituer toutes ses transactions. Si on arrive à identifier le propriétaire du portefeuille, on sait TOUT ce qu'il a fait, et avec quel autres portefeuille il a échangé.
Bitcoin est pseudonyme. Il suffit donc qu'une seule transaction identifie celui à qui appartient un portefeuille criminel, et il tombe. Parfois, tout son réseau le suit dans sa chute.
C'est très différent. D'ailleurs les hackeurs et autres criminels qui ont utilisé Bitcoin dans le passé doivent rester éternellement très prudents: comme tout le monde peut voir sur la blockchain toutes les transactions à partir des portefeuilles volés, il suffit qu'une seule permette de les relier à leur identité réelle, et ils sont incriminables. Dans la pratique, certains portefeuilles vers lesquels ont été transférés des jetons volés n'ont plus jamais été touché par personne, car aucun destinataire ne veut recevoir de jetons de ces portefeuilles. Ces portefeuilles sont aussi répertoriés et surveillés par des bots des services de cybercriminalité.
Un fantôme du passé
Désormais, toutes les bourses d'échange crypto sont légalement obligées de capter les preuves d'identité de leurs clients avant de leur permettre d'acheter et vendre des jetons. Le blanchiment de jetons obtenus de manière immorale y est donc très difficile.
Actuellement, le web coopératif est donc beaucoup plus facilement traçable que le système bancaire classique, gangréné de paradis fiscaux et de secret bancaires très "sélectifs".
Si Bitcoin a été utilisé par des criminels, c'est aujourd'hui beaucoup plus difficile pour eux, notamment à cause de la transparence systématique des transactions.
Historiquement, ces procédures d'identification n'existaient pas, et Bitcoin a effectivement servi a des activités illicites, comme le cas célèbre de silk road. fermé en 2014. Aujourd'hui, il serait beaucoup plus difficile d'utiliser Bitcoin pour ce genre de commerce.
Les médias du web2 font du clic avec Bitcoin
L'économie de croissance pollue tout, et notamment nos systèmes d'information. Dans la grande arène du web2 - le web des GAFAM -, il faut attirer l'attention de l'internaute pour lui placer de la pub. Les titres jouant sur la peur et la colère sont d'excellents outils pour ça, et tous les sujets sont abordés sur ce mode.
L'information sur Bitcoin n'est pas épargnée par ce biais systémique, obligeant ses experts à tenter de démentir les grossiers mensonges et exagérations qui pullulent sur le Web2.
Certains acteurs institutionnels s'y mettent très régulièrement, comme la BCE, avec ce rapport récent qui a fait hurler de rire la communauté web3 tellement les arguments sont invalidés depuis longtemps.
Quand on lit un titre du genre "Les cryptomonnaies toujours plus utilisées pour le blanchiment d'argent", vous pouvez être sûr que l'article utilise des chiffres bruts, sans examiner le vrai chiffre intéressant: la proportion des volumes d'échanges de cette monnaie utilisée à des fins immorales. Et là, on voit que les cryptomonnaies ne sont pas pratiques du tout pour les criminels, et demandent toutes sortes de précautions pour ne pas être identifiable.
En conclusion, les cryptomonnaies ne peuvent pas résoudre le problème du commerce immoral, tout comme le système bancaire actuel ne le peut pas non plus.
Ceci dit, elles permettent une surveillance bien plus efficace que dans le secteur bancaire, en réduisant le nombre d'intermédiaires humains potentiellement corruptibles.
Les jetons numériques du web coopératif permettent une surveillance bien plus efficace des transactions, et sont moins sujets à la corruption
Les jetons vraiment anonymes
Pour être complet: il existe des réseaux de jetons anonymes, donc qui brouillent l'origine des transactions, et ceux là peuvent effectivement poser un problème.
Cela relance un très vieux débat, qui n'est pas propre au monde des cryptomonnaies: "comment permettre le travail des lanceurs d'alerte sans encourager les activités immorales telles que terrorisme, vente d'arme, traite des êtres humains, ... ?".
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